Lumbago
chez un médecin de sport,
pratiquant les manipulations
de façon régulière et intensive,
49 ans, 99 kilos,
et ceci depuis 20 ans.

Carnet de notes d'un lumbago aigu

Marc PEREZ, Médecine Manuelle Ostéopathie, Paris, Janvier 2004

Du surmenage, une petite épidémie de pharyngites et je tousse, malgré l’arrêt du tabac un an plus tôt. Et ce matin là, réveil normal mais douleur lombaire en voulant m’asseoir au bord du lit. Pire que cela en me levant: impossible de rester debout sans appui contre les murs de la chambre tellement la douleur est forte; un vrai couteau dans les reins. Pas de doute, c’est bien un lumbago, et c’est atroce. Dans la cuisine, même chose. Impossible de me servir de mes deux mains en même temps. Il me faut un appui pour que je puisse me tenir «droit», c’est à dire en fait comme la tour de Pise, le buste penché en avant... Que faire ? J’annule mes rendez-vous du matin par téléphone et retourne m’allonger après avoir avalé tout ce qui me tombait sous la main: Brexin, Doliprane, Topalgic, Azantac, le tout en double dose.

Plusieurs essais de marche toutes les demi-heures se révèlent infructueux, mais (ouf!) vers midi, après une seconde lampée de drogues antalgiques, je reste penché en avant, mais je peux marcher sans m’appuyer aux murs. Je me ceinture dans les baleines d’un «lombacross activity» et me fait déposer au cabinet par ma femme en voiture. Je passe mon après-midi courbé en avant et arrive à assurer mes consultations, mais je trouve que mes patients sont trop pressés de guérir... Moi, j’ai une dague plantée en bas des reins et ils n’ont pas l’air de s’en rendre compte! Une chose me frappe, c’est le fait que la douleur, absente en position allongé, apparaît dès que je pose le pied par terre. Elle ne commence à diminuer que vers midi et les AINS n’apportent pas grand chose. Autre constatation, elle diminue si je m’appuie contre un mur et plus encore si l’appui est dirigé sur le sol: parapluie, béquille ou appui du plat de la main sur une tabl... Je comprend en montant sur une balance: en appuyant ma main sur une surface plane, mon poids baisse de 19 kg. Autant de moins sur le disque L5-S1. Inversement, si je fais la grasse matinée, c’est pire. Tout ceci correspond bien au mécanisme probable du lumbago: une fissure brusque de l’anulus et du nucleus sous pression qui vient s’incarcérer dedans. Seule la station debout, très douloureuse au début, est susceptible de presser ce fragment de noyau et d’en expulser l’eau… Au bout de sept jours, la douleur est devenue plus supportable. Elle est toujours maximale le matin, devient tolérable l’après-midi et presque supportable en soirée.

Je profite des vacances scolaires qui arrivent pour partir me reposer quelques jours chez un confrère et ami sicilien. La bonne cuisine me fait du bien. J’en profite pour relire, car ses manœuvres directes postéro-antérieures avec le tranchant de la main sur la région lombaire me font du bien, comme le «décordage» de Moneyron sur les ligaments inter-épineux et les massages. Je relis aussi le livre de J.Y. Maigne, en particulier le chapitre sur les causes du lumbago. C’est sûr, il n’y a pas d’inflammation. Les AINS ne servent à rien pour ma douleur, sauf sur celle de l’estomac. De plus, le disque est avasculaire, les médicaments n’y vont pas. Par contre, il est bien innervé et cela je le sent. Ma douleur est très centrale, sans composante radiculaire. Le temps passe vite en Sicile, et il faut rentrer pour reprendre le travail. Cela fait maintenant deux semaines que j’ai mal et j’ai hâte de reprendre pour essayer de trouver la réponse à quelques questions que je me pose sur le lumbago. J’en vois 4 à 5 les bons jours et je commence une petite étude.

Si l’on se cantonne aux douleurs du premier cercle (douleurs de dos provenant du rachis), je note trois situations cliniques différentes. Mon cas, d’abord, avec attitude antalgique en flexion, sans réelle déviation latérale. La douleur est peu sensible aux manipulations classiques mais réagit plutôt bien au décordage et aux techniques de Cyriax. Les attitudes antalgiques en latéro-flexion ensuite, soit du côté de la douleur, soit de l’autre côté. On trouve un muscle psoas raccourci et douloureux. Son étirement par des techniques myotensives et les manipulations semblent efficaces sur le champs. Enfin, les douleurs aiguës d’apparition brusque (en général post-traumatiques) mais sans attitude antalgique, qui correspondent à ce que J.Y. Maigne appelle les entorses discales. On note dans les trois cas une impulsivité à la toux. Restent quelques questions sans réponse: pourquoi certains muscles sont contracturés et pas d’autres (fessiers, psoas, carré des lombes, multifidus? Quel est le mécanisme des attitudes antalgiques si diverses?

Nous en sommes maintenant à la quatrième semaine. La douleur est moins forte. Je suis toujours sous Efferalgan, 3 gr par jour, une ceinture pour le travail et autodécordage quotidien. Je décide de perdre 10 kg, de moins forcer sur les lombaires en évitant les techniques patient assis a cheval et baudrier ou main antérieure qui m’aggravent la douleur. Je change aussi l’ergonomie de mon poste informatique et place plus a portée la fameuse carte vitale. Conclusion: après le régime, perte de 10kg, la gymnastique et l’étude des postures algogènes au travail il ne me reste qu’une petite douleur au lever.

Lors des consultations a l’hôpital le mercredi et les week-ends de congrès, des massages des mobilisations des ultra sons sur les muscles endoloris et des manipulations réalisées par mes confrères de l’Hôtel-Dieu me soulagent énormément (merci aux Docteurs Mondoloni, Rosati, et Boudib) et en plus j’ai perfectionné mon interrogatoire et mon examen clinique et codifie à ma façon le traitement des lumbagos aigus. Je note systématiquement tous les patients présentant un lumbago aigu et une attitude antalgique et reprends les cas tous les soirs voilà le résultat provisoire de l’étude.

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